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19 décembre 2008

RËVE ANNUEL

Les rêves sont faits d’une bien étrange substance, volatile et lourde à la fois. Lorsque la conscience s’en saisit, elle les archive dans une bibliothèque reléguée en des zones peu fréquentées de l’esprit. Qui penserait en effet avoir gardé en mémoire tous les rêves ayant franchi la barrière du réveil depuis le début de son existence. Le monde des rêves est autarcique et bien qu’il s’abreuve à la source de nos yeux ouverts sur le monde réel, il en crée un autre, parallèle et seul un rêve peut faire revivre la mémoire d’un plus ancien. Nous faisons ainsi des rêves récurrents. Mais à bien y réfléchir, ces images qui constituent un leitmotiv de notre vie nocturne, ces images dans les quelles on croit se replonger régulièrement, peut-être ne se sont-elles projetées que de rares fois sur l’écran de nos nuit durant toute une vie. Mais malgré leur rare occurrence, elles gardent toute la netteté de l’indélébile.

J’ai fait cette nuit mon rêve éditorial. Le décompte est simple le concernant. Je le fais une fois par an, lorsque je suis dans l’attente de la publication d’un livre. Il  est vrai que la veille, ma collègue d’écriture m’avait entretenu de problème de couverture. Il n’en fallait pas moins pour réactiver ce rêve qui concerne toujours l’aspect du livre. Le thème en est toujours le même : la version éditée du livre ne me satisfait pas, couverture horrible, papier de mauvaise qualité, texte tronqué… Et voici « Le Roc » sorti sous forme d’un vague texte photocopié et agrafé qui ressemble à tout sauf à un livre. Mais cette fois, un autre élément de contrariété se greffe au classique problème de l’aspect du bouquin : le bruit court déjà que les premiers lecteurs sont plus que choqués par la nouvelle éponyme ! Et je ne sais plus où me fourrer !

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29 novembre 2008

THE WAVES

Le grand souffle du monde est imperceptible sous l’immense berceau noir moucheté d’étoiles, mais il est indubitablement au sud que le grand fracas est ce soir assourdissant. Je referme la fenêtre et j’éteins la lumière. Malgré le double vitrage qui ouate d’ordinaire les voix du dehors, le pouls de l’océan persiste jusque sous mes draps. Le magnifique mot s’impose alors à moi, magnifique d’être le titre d’un roman jamais lu, magnifique d’être d’une langue qui pour être galvaudée, s’afficher par bribes en tout lieu, soutenir les boniments des marchands, n’en est pas moins celle qui me souhaite une bonne nuit, ou parfois même en ces glorieuses matinées où ma couche est chaude de la présence de l’être aimé, me réveille : the waves.

Je m’endors en imaginant ce que pourrait être un roman mesuré de bout en bout à la pulsation des vagues venant mourir sur le sable, indéfiniment, donnant la cadence à des vies qui paraîtraient  si négligeables, si courtes face à l’inusable mouvement.

18 novembre 2008

JENOVEFA

Ce post n'est intelligible qu'aux lecteurs du roman cathédralien, ce qui est le cas de vous tous !

Jenovefa a toujours été aux côtés de la cathédrale. Je ne sais plus très bien comment elle y est arrivée. Sans doute pour la plus mauvaise raison qu’on puisse concevoir dans le contexte de la création : le devoir. C’est étrange, mais à bien y repenser, pour avoir pris cette « précaution » de faire entrer Jenovefa en scène, j’avais sans doute la réelle ambition alors d’écrire un roman, un roman qui serait peut-être lu, un jour incertain. Je mesurais toute l’improbabilité que je puisse réellement écrire un texte publiable, j’entends lisible, et dans le même temps, j’introduisais cette femme dans une sorte de « conscience professionnelle », dans la perspective d’un lectorat potentiel. Il semble qu’à cette époque lointaine, l’écriture me soit apparue comme un formidable révélateur, un terrible risque pris de laisser l’inconscient s’exprimer et qu’il m’ait semblé nécessaire de m’en prémunir grâce à ce garde-fou ! Je crois me souvenir qu’alors, elle avait d’emblée symbolisé le mensonge dont je pouvais craindre qu’il fût celui de toute une vie. « Je ne crois pas que l’orientation de nos désirs réduise notre imaginaire. Je crois plutôt que notre imaginaire nous autorise à ne pas être à 100% ce que nous pensons être dans la vraie vie. » Et bien, à la lumière de cette remarque de Kleger, je mesure le drame de ce choix, puisqu’à l’inverse, même dans l’imaginaire, je ne m’autorisais pas à être. La scène « post-coïtum », l’ambiance de ce moment, tout cela était prévu à l’époque, - à l’exception de la deuxième partie où précisément j’entraîne Jeno dans la folie - mais pas plus que la scène d’amour avec la cathédrale, prévue elle aussi, je n’étais parvenu à l’écrire de façon satisfaisante. Et cette incapacité m’était assez difficile à vivre, car elle procédait d’une double frustration : Ce blocage était un rappel incessant que mes propres relations (hétéro)sexuelles n’étaient pas à même de me fournir la moindre source d’inspiration pour l’écriture de cette scène. C’est à ce moment que j’avais pris le parti d’adopter le regard de Jenovefa sur son amant. Je le voyais clairement, ce corps apaisé par l’amour qu’elle regardait dans le clair-obscur mais à ce moment, seconde frustration, je dus reconnaître que ne pouvais l’écrire pour ne l’avoir jamais vécu et sans doute n’assumant pas bien le plaisir que j’y aurais pris. Je dois le dire, il m’a fallu Vladimir pour pouvoir enfin coucher… tout cela sur le papier. Cette pauvre Jenovefa, je ne l’ai jamais aimée. Oui, c’est terrible, je ne l’ai jamais aimée de me rappeler constamment la terrible mauvaise conscience qui m’a tenu de longues années de n’avoir jamais pu dire « je t’aime » à ma compagne. Ce mensonge là m’était impossible.

La grande question, après avoir dit tout cela, est bien sûr : pourquoi avoir persisté dans cette voie vingt ans plus tard ? Nul ne m’était plus besoin de maquiller quoi que ce soit de mes tréfonds. Bien que je fusse libéré de ce qui m’entravait à l’époque, je n’avais guère évolué dans mes dispositions à l’égard de l’héroïne. D’une certaine façon, je dois le reconnaître, je lui ai tordu le cou avant la fin du roman, je l’ai fait s’autodétruire, au moins amoureusement parlant. Mais elle avait comme nom Jenovefa, qui était en quelque sorte - malencontreux hasard ? – le nom de code d’une personne réelle que je voyais s’autodétruire. Je reviens à Kleger : « La difficulté avec Jeno*vefa, n’est pas qu’elle était une femme, mais qu’elle n’avait pas assez de réalité en tant que personnage, elle n’existait pas assez, elle n’était pas ressentie comme primordiale. » Au fond, en lisant cela, je me suis dit que c’était bien là son rôle, de ne pas avoir assez de réalité, de ne pas être primordiale, non pas en tant que femme – Marie Cathédrale est une femme et s’impose plus – mais en tant qu’amante. Je pense que je l’ai gardée malgré les difficultés pour la rupture, pour avoir l’occasion de me débarrasser d’elle (l’échec amoureux n’était pas prévu à l’origine), pas des femmes mais des faux semblants.

Le fil de mes pensées s’est interrompu. Une autre image a surgi, plus prégnante. Celle de ma propre rupture. Il y a un lien mais je ne le saisis pas immédiatement. C’est une phrase que j’ai prononcée qui a tout déclenché. « Je voudrais qu’on ne fasse plus l’amour. » C’est elle qui a décidé, dans la peine et les larmes, que, de ce moment, notre relation de quinze ans était terminée. Et bien voyez-vous, je ne l’avais pas prévu. Je n’avais pas imaginé cette réaction.  Je voyais par le bout de ma lorgnette, et le sexe (avec elle !) n’avait pas de réalité, n’était pas primordial.

Dans la première version du roman, les pensées de la cathédrale étaient plus présentes, et comme j’ignorais alors qu’il s’agirait d’un journal intime rédigé de la main du moine, l’entête n’en était pas une date, mais juste la mention (que j’ai trouvée trop explicite par la suite et supprimée) : HI/ELLE.  A cette époque lointaine, un chanteur qui me poursuivait de ses assiduités (ah, j’ai perdu sa lettre romantique en breton me proposant des « ballades » sur la lande, quel dommage – c’était un coureur invétéré mais c’était aussi la première fois de ma vie d’adulte que je me faisais draguer et ce fut donc marquant -) vint à la maison, et comme j’avais aussi assez peu de relations avec des bretonnants, je lui montrai le manuscrit de la « cathédrale ». Il feuilleta, et vit ces courts chapitres dont l’entête était « ELLE ». Il me dit alors, ne sachant rien de l’histoire et avec un sourire malicieux : « Moi, je sais qui c’est. » J’ai toute de suite su ce qu’il  signifiait bien qu’il n’en dît pas plus : tu écris « elle » mais tu penses « il ». Il se trompait dans le détail, évidemment, mais il disait vrai, sans le savoir. Doublement vrai ! Primo concernant Jeno dont il ignorait l’existence, deuxio me concernant moi, malgré mes tentatives pour le détromper quant à ma supposée homosexualité. Ca rappelle un peu Yann, non ?

Alan, l’autre héros masculin, est homosexuel. Son homosexualité est la cause d’un quiproquo qui va le faire accuser de meurtre. Il drague sur le net et n’avoue qu’en dernier ressort – mais le lecteur n’en saura rien - que son mystérieux rencart était un plan cul avec un mec. Yann lui-même ne le devinera même pas. Il est amoureux de Yann, il se persuade qu’il est un homo qui s’ignore : « La cathédrale/Jenovefa est morte, tu es libre maintenant. » (à rapprocher du post « je hais les cathédrales » également pour ce que je dis à moi-même dans cette phrase) Je n’ai jamais décidé en écrivant, si Alan avait raison ou non. Je crois que j’ai la réponse maintenant. Oui, il est homo, mais la mort de la cathédrale n’a pas été suffisante pour qu’il l’admette.

Peut-être devra-t-il attendre ses 37 ans.

18 novembre 2008

UN ECRIVAIN HOMOSEXUEL

Ecrirai-je un jour une histoire d’amour ? La question n’est à vrai dire rien plus que spéculative car l’envie ne m’en taraude nullement. Postulons donc que le désir m’en vienne. Je me trouverais alors devant le choix cornélien du sexe des protagonistes. Une histoire homosexuelle est-elle susceptible d’intéresser un lectorat dont 90% ne l’est pas ? J’entends d’intéresser autrement que par le biais de la curiosité face à une forme d’exotisme. N’y a-t-il pas un besoin minimum d’identification aux personnages d’un roman pour que se déploient pleinement les émotions du lecteur ? On me rétorquera que les lecteurs homos, eux, sont habitués à ce qu’ont leur raconte des histoires où ils ne se retrouvent jamais vraiment. Et en effet, j’évoque ce fait dans mon livre sur le sujet, où j’explique que cette absence perpétuelle dans la littérature ou le cinéma de situations qui auraient pu me convenir, où j’aurais pu trouver un écho à mes désirs, avait agi sur moi comme un manque affectif dont j’aurais pris conscience tardivement. Mais en même temps, les mœurs dominantes nous habituent très tôt à cet état de fait et l’hétérosexualité dans la représentation artistique apparaît comme un code parmi d’autres. Je veux dire simplement, que culturellement, il doit être plus facile pour un homo de s’émouvoir d’une histoire d’amour hétéro que l’inverse.

Pour échapper à la bizarrerie, je devrais donc écrire une histoire hétéro. Mais le pourrais-je vraiment ? Je veux dire pourrais-je vraiment écrire une histoire hétéro qui ne soit pas un exercice de style, un devoir littéraire à la manière des livres de R. H*emon, où mon propre investissement affectif serait absent ? J’ai éprouvé cette difficulté en écrivant ar Garia*dez Va*en, bien que l’histoire d’amour n’y occupe pas une position centrale. Je n’étais pas suffisamment en empathie avec ce couple. Pour la scène dans la chambre, après l’amour physique, j’ai carrément pris le point de vue de la femme. On m’objectera que Kitty écrit des histoires d’hommes entre eux. Mais éprouverait-elle autant d'intérêt à écrire la même chose concernant des femmes ? Un écrivain homme à 100% hétéro a-t-il déjà écrit des histoires de gays ? Au fond, l’orientation de nos désirs ne réduit-il pas notre imaginaire ?

Dans le roman de la cathédrale, je me suis interdit de laisser libre cours à un amour potentiel entre deux hommes. J’en ai crevé d’envie pendant toute l’écriture mais la règle était fixée.  Ces deux personnages masculins existaient déjà dans le premier projet et l’ambigüité de leur relation aussi. Faire naître leur amour m’était impossible dans la structure de ma tête il y a vingt ans. Au moment de la rédaction définitive cela m’eût été facile. Mais c’était interdit, à cause des lecteurs. Disant cela, je ne le regrette nullement, car la tension de la frustration est souvent source de création.

Alors…

17 novembre 2008

NCY

La personne résidant à New York désirant venir en Bretagne, au bord de la mer, avec une petite préférence pour le Cap (ayant résidé à feu l'hôtel de l'Iroise), il falait la trouver !! Eh bien, nous la trouvâmes du premier coup.

Un bel appart en échange au pied de l'Empire State Building, également en bord de "mer"....

Donc, si tout va bien donc, voici comment l'été se profile...

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L'appartement est dans l'une de ces quatres tours...

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15 novembre 2008

CA POUSSE... LENTEMENT (3)

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5 novembre 2008

A LA GRACE DE L'HEVEA

Il s’étonnait toujours de cette capacité qu’il avait de faire que le miracle se réitérât à chaque fois. Il lui arrivait pourtant d’envisager son cours, parfois, avec lassitude, de craindre l’extinction soudaine de la braise qui animait ses paroles, de ne plus savoir étancher, non, faire naître la soif de connaissance de ses étudiants, ou pire encore, d’allumer un incendie qu’il ne parviendrait plus à alimenter de sa fougue.

Et puis, à chaque fois le miracle se reproduisait.  A l’évocation de ces réalités historiques qu’il avait maintes fois exposées et dont il avait lui-même mis certaines en lumière au gré d’un travail passionné, la flamme, avec une heureuse constance, se ravivait. Il disait alors le Savoir comme à la première fois, avec la force de la conviction. Il était comme le comédien habité sans faillir par son rôle, représentation après représentation, sauf qu’il avait écrit le texte et réglé la mise en scène lui-même.

Malgré le grand nombre des jeunes gens assis dans l’amphithéâtre, il scrutait les regards, traquait l’ennui ou encore l’intérêt grandissant et ajustait dans l’immédiat, ses mots, le style de son propos, le ton de sa voix. Rien ne récompensait plus ses efforts oratoires que de lire l’étonnement dans les yeux. Ne rien admettre pour normal, être surpris de la singularité de chaque fait, se représenter à chaque fois que l’on s’entend dire que les choses furent ainsi qu’elles auraient pu être autrement. C’est ce face à face avec l’Histoire qu’il voulait léguer.

Les deux heures qui lui étaient imparties touchaient à leur fin. Le bref après-midi d’hiver aussi. L’attention qu’il portait à ses propos et à son auditoire ne l’empêchait pas d’observer, par intermittence, le déclin du jour sur les toits de zinc, à travers l’une des grandes fenêtres cintrées. Il n’en savourait que plus délicieusement le confort de sa position, la molle étreinte de son fauteuil, la rutilance des boiseries fraîchement cirées qui lui renvoyaient cet exquis parfum d’encaustique, le suranné des peintures qui couvraient le plafond vaguement bombé, l’autorité de la reconnaissance unanime qui lui valait de professer dans la plus belle salle de l’université. Dans quelques minutes, il se lèverait de sa chaise avec l’allant que lui permettait son jeune âge relatif, mais une fois de plus, il ne serait pas assez rapide pour éviter la cohorte rituelle des étudiants en mal d’explications individualisées. Il y aurait aussi ceux et celles qui anticipaient leur réussite à l’examen et comptaient bien faire leur master sous sa direction et qui voulaient déjà un avis sur leur choix de recherche. Il y avait celles enfin qui rêvaient de se retrouver dans le lit de cet homme brillant, très séduisant et que tous savaient célibataire, donc ouvert, comme il se doit, aux fraîches sollicitations de la jeunesse.

Il avait ensuite regagné son bureau, salué quelques honorables collègues, fait bonne figure devant quelques autres qui lui chantèrent les louanges de son dernier opus, révolutionnaire dans le fond et la forme, et il dut enfin promettre de lire le tapuscrit d’un dernier qui se proposait de le lui envoyer par courriel.

Dès qu’il se fut éloigné d’une dizaine de mètres du vénérable bâtiment, il s’imagina qu’un observateur aurait pu constater sa métamorphose à vue d’œil, il s’imagina qu’un nouveau masque venait recouvrir par enchantement celui qu’il avait porté tout le jour, comme s’il avait été le personnage d’un film fantastique. Il aurait voulu pouvoir changer de vêtement dans le même instant, reléguer totalement l’autre au placard jusqu’au lendemain, un mardi. Il aimait la sensation quasi érotique de nudité que lui provoquait l’absence soudaine de l’autre, ainsi que le relent doux-amer de fragilité qui l’enveloppait alors.

Arrivé dans son bel appartement, il jeta avec plus de dégoût que de négligence sa « tenue » pourtant assez décontractée de titulaire de chaire, pour enfiler un jean et un blouson. Sa belle assurance l’avait alors totalement quitté.

Il s’enfonça dans les profondeurs du métro, en regardant une à une les marches défiler sous ses pieds, en détaillant avec une vaine précision touts les détritus qui les constellaient, alors qu’il ralentissait l’allure à mesure qu’il descendait. Il se laissa ballotter par la rame au long de quelques stations avec le plaisir conscient du relâchement. A la sortie, il franchit le grand portail, traversa le parking et se porta d’un bâtiment à l’autre jusqu’à trouver celui qui le concernait. Au second étage, il déboucha dans un large couloir où il estima monstrueux de devoir passer devant tous ces gens en pleine attente. Il ne leva pas la tête du linoléum blanchâtre de peur de devoir croiser le regard du moindre d’entre eux. Par chance, il n’y avait qu’une personne devant lui au bureau d’inscription. Il se retrouva sans tarder parmi ceux qu’il n’avait osé regarder une minute plus tôt. Malgré l’effort qu’il faisait pour n’en voir aucun, son attention lui fut arrachée par quelqu’un qui le dévisageait de loin. Il reconnut sans difficulté l’une de ses étudiantes de deuxième année, une blonde au teint pâle, assez jolie mais au traits trop inexpressifs à son goût. Elle était de celles, qui, assez discrètement mais avec ténacité, poursuivait quelque espoir de le séduire. A la vue de son professeur, les yeux de la jeune personne s’étaient arrondis. La surprise était évidente. Mais autre chose s’y devinait. La présence du professeur en ces lieux, malgré leur grande tristesse, enouragait plus ou moins consciemment son esprit de conquête.

On avait soudain mis les bouchées doubles. La file s’étiolait maintenant deux fois plus vite. Un à droite, l’autre à gauche. Droite, gauche, droite… il fut accueilli dans le bureau de gauche. La femme le regarda comme on regarde un jeune homme irresponsable. Paraissait-il si jeune ainsi vêtu ? Ou si dénué de maturité ? Au ton de sa voix quand elle le pria de s’asseoir, il sut aussitôt qu’elle le croyait d’un milieu social et culturel défavorisé. Cela lui plut d’emblée et il se pelotonna dans le giron de l’autorité maternelle qui en émanait. Elle avait un peu plus de cinquante ans et l’allure d’une femme qui se sait attirante et met le plus grand soin pour le rester. Mais sa vraie beauté, selon lui, venait de la gentillesse qui rayonnait de son visage.

« Alors, qu’est ce qui vous arrive ? »

Il se sentit enfant pris en faute à qui on est prêt à pardonner et il s’abandonna totalement à cette impression. Il s’en remettait à cette femme, accepterait ses remontrances et son verdict. Si l’autre le voyait…

« Accident de préservatif. »

« Je suis obligée de vous demander des précisions… »

« Relation homosexuelle, ça n’est pas moi qui portait le préservatif. »

Il avait dit cela d’une vitesse fulgurante, pour s’en débarrasser.

« Vous étiez en position passive, c’est ça ? »

« Oui »

« Avec un partenaire régulier ? »

« Non. »

« Avez-vous pu en parler ? »

« Oui, mais il ignorait totalement son état sérologique. »

« Va-t-il faire le test ? »

« Je ne sais pas. »

« Avez-vous un moyen de le contacter ? »

« Non, pas le moindre. »

« Bien, dans votre cas « le traitement du lendemain » se justifie, mais c’est assez lourd, vous savez ? »

« Oui, je suis au courant. »

« Dans trois mois, vous reviendrez faire le test. »

Lorsqu’elle en eut fini avec lui, qu’elle lui eut remis les ordonnances, il resta à la regarder, dans l’attente de quelque-chose. Sa voix ferme et douce à la fois l’avait rassuré, il ne pouvait se résoudre à la quitter déjà. L’idée du lendemain le traversa. Il aurait remis la défroque de l’autre, il serait sûr de lui, son avis à lui en rassurerait d’autres.

Lorsqu’il sortit, l’étudiante venait de quitter le bureau d’en face. Elle tenait des résultats à la main et pleurait. L’autre aurait esquissé un geste mais lui se précipita dans les escaliers pour en chasser l’image.

2 novembre 2008

CA POUSSE... LENTEMENT (2)

J'étais au fond, dans le chemin vert, là où les assauts du vent sont adoucis, où l'odeur de l'humus triomphe des parfums iodés. Là où l'autre jour, je prenais, après avoir deviné sous le tapis de lierre une terre noire et parfumée se décollant des racines à la moindre secousse, une ferme décision : ici serait le rhododendrons dale. J'avais déjà nommé ainsi une allée bordée de ces plantes dans mon ancien jardin, d'après un endroit célébre de Kew Garden, à Londres, où je n'étais jamais allé à l'époque.  Le terreau naturel, l'abri du vent me donnent quelque espoir de réussite. La belle mine d'Osakazuki, l'érable japonais, me conforte dans ce sens.

Alors que je préparais l'emplacement pour des rhodos dont je ne sais encore lesquels il seront (mais je devrai faire avec des variétés résistante et à la santé de fer, le temps - enfin l'endroit! - n'est plus aux espéces botaniques rares et fragiles...), le soleil arriva sans préambule, et quand je vis Osakazuki jouer au vitrail d'église, je lachai pelle et pioche pour l'appreil photo...

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Allons voir un peu au delà...

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Peut-être que ça a poussé pendant que je tournais le dos...

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Ca pousse et ça plante....

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Il est temps de poser l'appreil et de se remettre au boulot !

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2 novembre 2008

CA POUSSE... LENTEMENT

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30 octobre 2008

PASSION DE DIRE

J’ai eu récemment une conversation téléphonique avec Erik Parkglas pour lui soumettre mon projet de proposer à mon éditrice, finances permettant, d’agrémenter mon prochain livre d’une reproduction d’un de ses tableaux, Edith, qui avait suscité l’une des nouvelles figurant à la table des matières. Mon idée fut accueillie avec enthousiasme et je constate aujourd’hui, en consultant son site, qu’il avait déjà peint la couverture d’un roman. Je pense alors à ce va et vient entre le texte et l’image, qui peuvent se nourrir l’un l’autre ou bien se compléter. Je prends d’ailleurs conscience que, en extrapolant, ce dialogue entre le dit et le représenté était sans doute une composante importante de nos relations. Alors que je lui explique la façon dont un texte, chez moi, s’élabore dans l’inconscient et que la plume n’intervient qu’à l’issue d’une longue maturation qui peut passer, à mes propres yeux même, pour du temps gaspillé et durer des années, il me répond aussitôt que le processus est exactement le même pour ses toiles. A un autre moment, alors qu’il tente d’expliquer le changement de cap que constituent l’annulation de son projet New-Yorkais  et le décès récent de son père, je résume d’une pirouette verbale l’itinéraire qui s’offre à lui. Pour la deuxième fois, il me répond : c’est exactement ça. Il m’a fallu cette réitération pour que me revienne en mémoire soudain le nombre de fois où cela s’était produit autrefois. Et de le mettre en relation avec une autre de ses assertions : si je savais le dire, je ne le peindrais pas.

C’était l’époque où j’essayais d’écrire un roman autour d’une cathédrale imaginaire, cette époque où mon rêve secret, d’autant plus jouissif qu’il me semblait hautement improbable, était de me représenter l’objet « livre » qu’il deviendrait et dont j’aurais fait moi-même la couverture ! Mais l’entreprise, sans doute, me dépassait alors et, contrairement à d’autres, j’ai cessé d’écrire pendant de longues années.

J’ai découvert il y a cinq ans que j’aimais aussi écrire en français. Cela m’est littéralement tombé dessus. J’avais rédigé une lettre d’amour. Elle comportait au final un certain nombre de pages manuscrites. Je me souviens d’avoir vu naître des phrases sous ma plume dont je ne me soupçonnais pas capable. C’était étrange, comme la découverte d’une fonction nouvelle à mon être. Le destinataire avait remarqué ce caractère « écrit » de la lettre. Dans la foulée je commençais une sorte de faux journal intime – faux car il y avait un lecteur impossible qui n’était pas moi -, l’écrire était devenu le vrai baume à mes peines. Peu de temps après, sans dessin réel, j’ai troqué le lecteur impossible pour un lectorat improbable, retrouvé ma première langue d’écriture, le breton, et P*ar Di*bar s’est déversé sans interruption sur le papier. Je date vraiment la démangeaison tardive de l’écriture, précisément en langue française, à ce moment précis.

Aujourd’hui, je viens d’envoyer la matière à un quatrième livre. C’est une étape importante dans l’histoire d’un livre, toujours aussi émouvante malgré les précédents. Je ne me blase pas.

19 octobre 2008

CA AVANCE VRAIMENT

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19 octobre 2008

CA AVANCE (99 999)

Allez, cette fois on va le dire, avec même un petit trémolo dans la voix, la maison est presque finie, un ouvrier doit mettre la dernière touche bientôt et les pièces principales ont leur aspect et mobilier définitifs. Mais c'est une tout autre aventure qui commence dont le premier acte n'est pas de mon fait... Zut, il ne pleut pas !!

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Question graminées, il y a eu des éruptions vertes récemment...

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12 octobre 2008

AVANT GOÛT...

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11 octobre 2008

THEY ARE STILL THRIVING

C’était un jour à larmes. Larmes faisant irruption le matin à la seule vue du fond de la baie, au sortir de la ville, de cet endroit précis où elle est un des plus beaux dessins de la nature que j’ai pu voir, où tout s’emboîte comme suivant un parti architectural et qui s’offrait avec une rare intensité de couleur. C’était une de ces  visions de la nature qui font croire que le monde repart à zéro, plus limpide, plus beau.

Larmes quand je m’engouffre dans le chemin et que je vois mes enfants innombrables, grandis, méconnaissables. They are still thriving. L’été pluvieux n’y est pas pour rien. Les feuillages rutilent. Des plants chétifs dans mon souvenir arboraient une santé arrogante à tel point que je tournais autour à les chercher et ne les repérais pas. Certains rhodos à grosses feuilles, au feuillage si fragile, seraient assez beaux pour parader dans une exposition botanique. Il y a dans la chaleur incroyable de l’air cette densité que seul le végétal lui donne. Mais tout a trop poussé, les arbres rejoignent leurs branches et créent une ombre épaisse qui menace bien des plantes. Sir Charles Lemon n’est plus qu’un squelette étiolé qui ne devra sa survie qu’à l’arrachage d’un hêtre. Du chêne aussi ? Ce chêne que j’avais déplacé au prix d’efforts inouïs alors qu’il était déjà assez grand et qui avait végété pendant des années avant de reprendre sa course vers le ciel ? Ce chêne dont la silhouette porte la marque des souffrances passées et qui promettait d’avoir l’allure vénérable et noueuse ? Ce chêne contre lequel je venais m’adosser et que secrètement je considérais comme le pivot du jardin, la clé de toutes ces énergies vitales en expansion ? J’ai trop planté.

Le jardin commande, a repris les rênes. Les tracés s’effacent, les massifs se rejoignent, les allées disparaissent. A plusieurs reprises, réellement, je me perds. Je suis complètement désorienté. 

C’est l’inverse du roman projeté. L’exact inverse. Ca n’est pas exactement le propos du roman, mais, il y a quelques années, alors que je passais encore le plus clair de mon temps à cette œuvre mouvante, que je pensais façonner jusqu’à mes vieux jours, j’imaginais, en toute fantaisie, presque comme point de départ romanesque ceci : un jour, peut-être je le quitterai, et je ne le reverrai que bien plus tard, les rhodos seront énormes mais envahis par les ronces. Il a suffit de peu d’année pour que je vive cette fantaisie de l’esprit. Ma prophétie ne prévoyait pas la rapidité de pousse du végétal dans les Monts d’Arrée.

9 octobre 2008

FAITS D'AUTOMNE

Pour clore la litanie monothématique des informations sérieuses, le journaliste de France-Inter choisit un fait divers. Deux noms d’animaux, un chat, un chien sont cités. La nuit précédente, les deux compagnons ont flairés avant leur maîtres profondément endormis une mauvaise odeur de fumée. L’un s’applique à aboyer, l’autre à gratter à la porte de la chambre et parviennent ainsi à réveiller les humains à temps et peut-être à les sauver. J’ai un sentiment de sympathie envers ces deux animaux, qui dans le domaine du sensoriel nous dépassent mais qui en plus ont formidablement réagi. La maison est brûlée néanmoins et l’on évacue les gîtes ruraux adjacents dont les toits sont déjà léchés par les flammes.

La réception est encore plus mauvaise que de coutume lors de l’appel du soir de Neal. Il m’explique : je ne suis pas au même endroit. J’ai dû changer de logement. Il y a eu un drame cette nuit… un incendie.

Neal s’est même occupé du chat et du chien après.

Je savais que je leur devais de la sympathie.


Professeur Mordonnow est au bord de la crise. Il met plus d’une demi-journée pour trouver la bonne pulsation. Le groupe lui semble ingérable. Il rejette, bloque, s’écœure, ne veut pas passer une année entière avec eux, ne veut pas avoir à faire avec eux. Il se mord la lèvre pour ne pas casser à mort l’aîné du groupe, alors que c’est le directeur du centre qui le mériterait. Il songe à l’arrêt maladie… Et puis il y a le gros bonhomme difforme qui parle bien le breton, et l’interrompt toutes les cinq minutes confondant les exemples grammaticaux avec des assertions sur sa propre vie et sur les quelles il veut apporter son témoignage, sans recul. Genre : « Je vais à la piscine. » « Ah, tu sais nager, moi j’ai jamais pu y arriver… » « Je regarde la télé. » « Hier il y avait des femmes à-demi nues à la télé. » (sic) Pause. Ouf. Il compte les minutes qui le séparent de la fin des cours. Il sort sur le perron. Deux stagiaires parlent des jeux de leurs petits garçons. L’homme difforme témoigne « Je n’ai jamais aimé jouer au foot. » Il se tourne vers moi: « Quand j’étais gamin je n’aimais jouer qu’à la poupée. » Non….. Pitié ! « Allons,  il est temps de reprendre le cours ! » Vive le respect des horaires.

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