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30 octobre 2008

PASSION DE DIRE

J’ai eu récemment une conversation téléphonique avec Erik Parkglas pour lui soumettre mon projet de proposer à mon éditrice, finances permettant, d’agrémenter mon prochain livre d’une reproduction d’un de ses tableaux, Edith, qui avait suscité l’une des nouvelles figurant à la table des matières. Mon idée fut accueillie avec enthousiasme et je constate aujourd’hui, en consultant son site, qu’il avait déjà peint la couverture d’un roman. Je pense alors à ce va et vient entre le texte et l’image, qui peuvent se nourrir l’un l’autre ou bien se compléter. Je prends d’ailleurs conscience que, en extrapolant, ce dialogue entre le dit et le représenté était sans doute une composante importante de nos relations. Alors que je lui explique la façon dont un texte, chez moi, s’élabore dans l’inconscient et que la plume n’intervient qu’à l’issue d’une longue maturation qui peut passer, à mes propres yeux même, pour du temps gaspillé et durer des années, il me répond aussitôt que le processus est exactement le même pour ses toiles. A un autre moment, alors qu’il tente d’expliquer le changement de cap que constituent l’annulation de son projet New-Yorkais  et le décès récent de son père, je résume d’une pirouette verbale l’itinéraire qui s’offre à lui. Pour la deuxième fois, il me répond : c’est exactement ça. Il m’a fallu cette réitération pour que me revienne en mémoire soudain le nombre de fois où cela s’était produit autrefois. Et de le mettre en relation avec une autre de ses assertions : si je savais le dire, je ne le peindrais pas.

C’était l’époque où j’essayais d’écrire un roman autour d’une cathédrale imaginaire, cette époque où mon rêve secret, d’autant plus jouissif qu’il me semblait hautement improbable, était de me représenter l’objet « livre » qu’il deviendrait et dont j’aurais fait moi-même la couverture ! Mais l’entreprise, sans doute, me dépassait alors et, contrairement à d’autres, j’ai cessé d’écrire pendant de longues années.

J’ai découvert il y a cinq ans que j’aimais aussi écrire en français. Cela m’est littéralement tombé dessus. J’avais rédigé une lettre d’amour. Elle comportait au final un certain nombre de pages manuscrites. Je me souviens d’avoir vu naître des phrases sous ma plume dont je ne me soupçonnais pas capable. C’était étrange, comme la découverte d’une fonction nouvelle à mon être. Le destinataire avait remarqué ce caractère « écrit » de la lettre. Dans la foulée je commençais une sorte de faux journal intime – faux car il y avait un lecteur impossible qui n’était pas moi -, l’écrire était devenu le vrai baume à mes peines. Peu de temps après, sans dessin réel, j’ai troqué le lecteur impossible pour un lectorat improbable, retrouvé ma première langue d’écriture, le breton, et P*ar Di*bar s’est déversé sans interruption sur le papier. Je date vraiment la démangeaison tardive de l’écriture, précisément en langue française, à ce moment précis.

Aujourd’hui, je viens d’envoyer la matière à un quatrième livre. C’est une étape importante dans l’histoire d’un livre, toujours aussi émouvante malgré les précédents. Je ne me blase pas.

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Commentaires
V
Je trouve fascinant la partie conscient et celle d'inconscient d'un processus de création. Surtout la difficulté de laisser parler la voix chaotique de l'inconnu, ayant confiance que la partie 'qui sait' va pouvoir lui donner une forme appropriée.
K
"Si je savais le dire, je ne le peindrais pas." Je pourrais ajouter "Si je savais le dire je ne l'écrirais pas." Et de temps à autre le corollaire m'inquiète. Si un jour je savais dire, que deviendrait le besoin d'écrire ? Enfin, ne nous inquiétons pas trop, il y a de la marge.<br /> A propos de temps "gaspillé", je replonge ces jours-ci dans le moyen-âge d'Alexis. Pas d'écriture, juste j'y pense, je marine. Et ça me reparait possible, et même inévitable. Les difficultés techniques invoquées pour l'abandon étaient une imposture. Gaspillons donc sans remords...
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