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18 novembre 2008

UN ECRIVAIN HOMOSEXUEL

Ecrirai-je un jour une histoire d’amour ? La question n’est à vrai dire rien plus que spéculative car l’envie ne m’en taraude nullement. Postulons donc que le désir m’en vienne. Je me trouverais alors devant le choix cornélien du sexe des protagonistes. Une histoire homosexuelle est-elle susceptible d’intéresser un lectorat dont 90% ne l’est pas ? J’entends d’intéresser autrement que par le biais de la curiosité face à une forme d’exotisme. N’y a-t-il pas un besoin minimum d’identification aux personnages d’un roman pour que se déploient pleinement les émotions du lecteur ? On me rétorquera que les lecteurs homos, eux, sont habitués à ce qu’ont leur raconte des histoires où ils ne se retrouvent jamais vraiment. Et en effet, j’évoque ce fait dans mon livre sur le sujet, où j’explique que cette absence perpétuelle dans la littérature ou le cinéma de situations qui auraient pu me convenir, où j’aurais pu trouver un écho à mes désirs, avait agi sur moi comme un manque affectif dont j’aurais pris conscience tardivement. Mais en même temps, les mœurs dominantes nous habituent très tôt à cet état de fait et l’hétérosexualité dans la représentation artistique apparaît comme un code parmi d’autres. Je veux dire simplement, que culturellement, il doit être plus facile pour un homo de s’émouvoir d’une histoire d’amour hétéro que l’inverse.

Pour échapper à la bizarrerie, je devrais donc écrire une histoire hétéro. Mais le pourrais-je vraiment ? Je veux dire pourrais-je vraiment écrire une histoire hétéro qui ne soit pas un exercice de style, un devoir littéraire à la manière des livres de R. H*emon, où mon propre investissement affectif serait absent ? J’ai éprouvé cette difficulté en écrivant ar Garia*dez Va*en, bien que l’histoire d’amour n’y occupe pas une position centrale. Je n’étais pas suffisamment en empathie avec ce couple. Pour la scène dans la chambre, après l’amour physique, j’ai carrément pris le point de vue de la femme. On m’objectera que Kitty écrit des histoires d’hommes entre eux. Mais éprouverait-elle autant d'intérêt à écrire la même chose concernant des femmes ? Un écrivain homme à 100% hétéro a-t-il déjà écrit des histoires de gays ? Au fond, l’orientation de nos désirs ne réduit-il pas notre imaginaire ?

Dans le roman de la cathédrale, je me suis interdit de laisser libre cours à un amour potentiel entre deux hommes. J’en ai crevé d’envie pendant toute l’écriture mais la règle était fixée.  Ces deux personnages masculins existaient déjà dans le premier projet et l’ambigüité de leur relation aussi. Faire naître leur amour m’était impossible dans la structure de ma tête il y a vingt ans. Au moment de la rédaction définitive cela m’eût été facile. Mais c’était interdit, à cause des lecteurs. Disant cela, je ne le regrette nullement, car la tension de la frustration est souvent source de création.

Alors…

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Commentaires
K
Débat et questionnements très intéressants. Je rejoints Kleger et cornus dans leurs réflexions. Et si je puis me permettre d'apporter ma petite pierre, moi qui ne fait rien avec logique, c'est que la seule chose vraiment importante en matière de création — et la seule règle que je m'impose, en fait — c'est de faire ce que tu as envie sans te soucier de rien d'autre. C'est là que ça sonnera juste, là seulement que la satisfaction que tu auras ressentie à faire naître chaque mot éclatera à la lecture. <br /> Autrement dit, je ne crois pas que l'on puisse atteindre un lecteur, quel qu'il soit, en plein cœur si l'on ne l'a pas été soit même au moment de l'écriture. <br /> Encore une chose, je suis persuadée que tout ce que l'on a ressenti lors de l'écriture sans l'avoir écrit (effort, plaisir, incertitude, ect.) est perceptible malgré tout entre les lignes. Ca ne pardonne pas. Le lecteur sentira que tel description a demandée un effort laborieux, que tel personnage est plus fade et a donc moin passionné l'auteur… Un livre est comme un visage, il trahi bien des choses sur l'auteur!<br /> en conclusion, j'ai envie de te dire : lâche-toi, fais ce que tu as envie! :D<br /> Biz
M
Cornus> Et New York ?!
C
Eh bien si, il y avait bien une maladresse épouvantable puisque je laisse penser que hétéro pour un homme = masculinité. Je manie là des concepts que j'ai du mal à expliciter et à cerner au delà des clichés que l'on entend çà et là.<br /> <br /> Par rapport au machisme, cela faisait un petit peu écho à un des propos de Kleger sur ses personnages ("hétéro ... une bonne dose de machisme"). Le machisme, qui n'est sans doute pas l'apanage des hétéro, je l'ai souvent constaté auprès de personnes qui affirmaient haut et fort une hétérosexualité et une masculinité débordante. Et ça, j'ai du mal à le supporter.
M
Cornus> Oui, on ne peux que souscrire à ce comm de Kleg, avec malgré tout, ce petit quelque chose, et que je n'arrive pas bien à exprimer, qui fait que je pense que quelque soit la qualité du texte, un petit obstacle demeure si on n'est pas de l'orientation des beaux héros qui s'aiment!<br /> Ecrivain homo, le titre était un peu une boutade et une allusion perfide au titre d'un poste sur un autre blog qui ignore celui ci. En effet, je ne me sens pas écrivain homosexuel du tout, j'aurais du écrire : écrivain (à voir!) et homosexuel (déjà plus sûr).<br /> Sur le côté "monolithique", eh bien même si le plurilithisme est fréquent, moi je le conçois très bien, vois-tu, je suis à 100% homo. Le rapport avec le machisme m'échappe.<br /> Maladroit? Point du tout.
C
Voilà une note qui donne à réfléchir. Kleger a fait une analyse très fine et pertinente et j'y souscris pour une large part. Je me contenterai donc d'un commentaire plus simpliste que je peux d'autant plus me permettre dans la mesure où je ne suis ni un écrivain ni un grand lecteur. En tout cas, et c'est sans doute un tort, je n'ai que fort peu lu d'histoires mettant en scène des histoires d'amour, en particulier, des scènes physiques. Sachant cela, j'ai tendance à penser que pour un "bon" lecteur, ce qui compte avant tout, c'est la façon et l'intérêt avec lesquels est contée l'histoire d'amour, le côté homo ou hétéro n'ayant qu'un intérêt au moins secondaire. Et dans l'absolu, l'écrivain doit se moquer de l'audience potentielle ou la façon dont sera percue son livre (du point de vue de l'orientation sexuelle), mais doit effectivement se soucier du réalisme des scènes décrites, encore que cela se discute. Quand je dis ça, je sais bien ce n'est pas si simple et que ton questionnement initial garde ton son sens et que l'on ne peut pas y couper. D'un autre côté je m'interroge quand même csur ette problématique écrivain/lecteur homo/hétéro. Je n'arrive pas très bien à analyser peut-être à cause de mon parcours personnel, parce que j'ai du mal à concevoir un homme comme monolithiquement 100 % homo ou 100 % hétéro. Je ne sais pas si c'est aussi pour ça que je ne supporte pas le machisme, y compris s'il n'est que verbal. Je ne tolère pas non plus que l'on tente de réduire une femme (ou un homme) à un objet sexuel.<br /> Mais là, je suis en train de m'éloigner sérieusement du sujet, avec un commentaire fort maladroit.
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