IL Y A VINGT ANS, QUAND LA CATHEDRALE ETAIT NOIRE...
Ce n’est qu’une coïncidence mais lorsque j’évoquais une journée de fin d’étude dans mon récit « Le retour du vieil homme » en ces termes : « C’était une belle journée de juin, qui, associée à l’idée des grands congés estivaux imminents, portait à l’indolence», j’avais précisément en tête, sans m’en rendre compte que ce soir, ce jour où je traversais les jardins de l’Observatoire pour me rendre à la fac, pour ce qui était effectivement mon tout dernier jour de fac parisienne à jamais, puisque je m’apprêtais à soutenir mon mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art : La construction du chœur de la cathédrale de Quimper. Il faisait beau, je me sentais à la fin de quelque chose, et excité également par l’enjeu. L’obtention du diplôme ne changeait rien à ma vie, ni à mes non projets professionnels, mais l’avis d’une autorité sur un travail réellement choisi et cher à mon cœur, comptait, on peut le concevoir aisément. La comparaison avec « Le retour du vieil homme » s’arrête là : le professeur était une femme tremblotante (Parkinson ? Défaut d’arc boutant ?), et je n’étais pas amoureux d’elle.
Voici quelques photos dont certaines illustraient mon mémoire :
C’était en 1988. Il a donc vingt ans. Bien de l’eau a coulé dans l’Odet depuis. C’était du temps où l’intérieur de la cathédrale était noir…
(Aujourd'hui :)
Mais aussi, je ne m’en souvenais plus, mais je viens d’en trouver la preuve, elle était ILLUMINEE !!
C’est la seule fois, grâce à mon travail de maîtrise, que je pus parcourir les « entrailles » de la cathédrale [autocitation et private joke] et voir le vaisseau du triforium.
Ca c’est un soir du festival de Cornouaille…
Et puis j’ai retrouvé ces deux dernières photos qui m’ont beaucoup ému, un truc à donner la foi à un matérialiste de mon acabit et aussi, pour ceux qui connaissent un peu la littérature en langue bretonne, à écrire une seconde version de « Sizhun ar breur Arturo ».
Le jour où l’on devait me laisser l’accès aux parties hautes de la cathédrale (triforium, galerie à l’appui des fenêtres hautes, tours, combles), le responsable des bâtiments de France était occupé et ne disposait pas de temps pour moi. Fut donc délégué pour nous guider (mon amie, qui m’accompagnait, et moi), un jeune futur prêtre. C’était un jeune homme très gentil et très prévenant (je le revois brosser vigoureusement mon dos de sa main pour en effacer la poussière séculaire qui s’y était déposée) et d’une certaine manière, bien qu’il ne fût pas très beau, émouvant. Il devait être de nos âges, on devinait à son attitude qu’il avait déjà un pied de l’autre côté mais en conservait un du côté du monde, on sentait ce désir de familiarité corrigé par la distanciation qu’il estimait convenir à sa futur charge. Je me souviens également d’avoir eu conscience, tout au long de cette déambulation somme toute assez malaisée, sombre et parfois un peu périlleuse, que l’émotion que nous ressentions, ma copine et moi (nous n’habitions à l’époque pas encore ensembles), pour le futur prêtre, était de la même nature et qu’elle le savait également.
Quelques mois plus tard, nous nous rendons de nouveau à Quimper, de Paris, pour une énième visite de l’édifice étudié. Lorsque nous pénétrons dans la cathédrale, une cérémonie est en passe de débuter. C’est un sacrement de prêtre. Et nous reconnaissons notre jeune guide prêt à entrer dans le chœur. Nous nous regardons, mélancoliques, à l'idée de ce destin qui s'étrique. A ce moment précis, la photo en témoigne, apparaît un phénomène lumineux que je n’ai plus jamais revu dans la cathédrale, auprès de laquelle j’ai pourtant habité trois ans.