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11 octobre 2008

THEY ARE STILL THRIVING

C’était un jour à larmes. Larmes faisant irruption le matin à la seule vue du fond de la baie, au sortir de la ville, de cet endroit précis où elle est un des plus beaux dessins de la nature que j’ai pu voir, où tout s’emboîte comme suivant un parti architectural et qui s’offrait avec une rare intensité de couleur. C’était une de ces  visions de la nature qui font croire que le monde repart à zéro, plus limpide, plus beau.

Larmes quand je m’engouffre dans le chemin et que je vois mes enfants innombrables, grandis, méconnaissables. They are still thriving. L’été pluvieux n’y est pas pour rien. Les feuillages rutilent. Des plants chétifs dans mon souvenir arboraient une santé arrogante à tel point que je tournais autour à les chercher et ne les repérais pas. Certains rhodos à grosses feuilles, au feuillage si fragile, seraient assez beaux pour parader dans une exposition botanique. Il y a dans la chaleur incroyable de l’air cette densité que seul le végétal lui donne. Mais tout a trop poussé, les arbres rejoignent leurs branches et créent une ombre épaisse qui menace bien des plantes. Sir Charles Lemon n’est plus qu’un squelette étiolé qui ne devra sa survie qu’à l’arrachage d’un hêtre. Du chêne aussi ? Ce chêne que j’avais déplacé au prix d’efforts inouïs alors qu’il était déjà assez grand et qui avait végété pendant des années avant de reprendre sa course vers le ciel ? Ce chêne dont la silhouette porte la marque des souffrances passées et qui promettait d’avoir l’allure vénérable et noueuse ? Ce chêne contre lequel je venais m’adosser et que secrètement je considérais comme le pivot du jardin, la clé de toutes ces énergies vitales en expansion ? J’ai trop planté.

Le jardin commande, a repris les rênes. Les tracés s’effacent, les massifs se rejoignent, les allées disparaissent. A plusieurs reprises, réellement, je me perds. Je suis complètement désorienté. 

C’est l’inverse du roman projeté. L’exact inverse. Ca n’est pas exactement le propos du roman, mais, il y a quelques années, alors que je passais encore le plus clair de mon temps à cette œuvre mouvante, que je pensais façonner jusqu’à mes vieux jours, j’imaginais, en toute fantaisie, presque comme point de départ romanesque ceci : un jour, peut-être je le quitterai, et je ne le reverrai que bien plus tard, les rhodos seront énormes mais envahis par les ronces. Il a suffit de peu d’année pour que je vive cette fantaisie de l’esprit. Ma prophétie ne prévoyait pas la rapidité de pousse du végétal dans les Monts d’Arrée.

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Commentaires
M
Cornus> Jolie pirouette finale !!<br /> Kleg>Oh!oh! Je n'avais pas mesuré tour l'éventail sympbolique de ce post !
C
Outre l'évocation de l'oeuvre mouvante dont j'arrive à percevoir les sens et l'émotion qu'elle fait naître, tout cela n'est pas sans m'interpeler d'un point de vue plus pratique. Je sais quelles sont les conséquences de planter trop près ou trop serré et c'est cette hantise qui m'a fait intervenir avec vigueur dans notre jardin, détruisant une architecture encore intéressante, mais qui était vouée à l'auto-destruction à moyen terme. Ainsi, je crois que notre jardin ne sera pas "trop planté", mais j'ai peur de me planter !
K
Trop planté ? Peut-être pas. On fonde une famille nombreuse, pleins de petites promesses d'avenir, ils grandissent et s'échappent du cercle ptotecteur, ou plutôt on ouvre le cercle et on se donne le droit enfin de vivre une nouvelle vie, loin des enfants, qui n'en sont plus. Certains en profitent et écrasent un peu les autres de leur vitalité. Doit-on pour autant extirper les exubérants, doit-on se dire qu'on a trop fait d'enfants, doit-on s'obliger à continuer à gérer leur vie qui nous échappe ? Vraies questions,non ?
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