PETITE FACETIE INTERCELTIQUE

On ne peut pas dire que l’offre en matière de restaurant ait été pléthore en la bonne ville de Q., surtout quand on en a soustrait les innombrables crêperies. Mais la péninsule où j’habite désormais étant toute entière quatre fois moins peuplée que la ville citée, le choix des établissement où se sustenter y est mathématiquement plus réduit. Malgré cela, surtout si l’on intègre à la zone de prospection l’ex port sardinier au nord-est, nous y trouvons plus facilement notre bonheur. Nourriture meilleure, plus abondante, pour une addition moins salée, ce qui est bon pour la tension artérielle.

            Ce soir là, nous nous en fûmes dans un restaurant du port d’A., que nous connaissions déjà, où l’on fait montre, sur le comptoir, d’une jolie procession de tartes Tâtin alternant avec des kouign amann, qui n’ont comme défaut que de vous soumettre à un terrible choix cornélien. L’édifice, de plus, s’accroche au quai et surplombe la jetée, offrant, en hiver, ou certains jours de juillet qui ont juré de pasticher janvier, une saisissante vue sur les rouleaux s’attaquant au granit maçonné.

            La fréquentation n’est pas celle que nous escomptions en ce début de vacances et parmi la clientèle clairsemée ne passe pas inaperçu un groupe de britanniques. Je note d’emblée que leur accent me plait et même, mais je suis si peu sûr de moi dans ce domaine, me semble un tantinet familier. A les entendre me vient immédiatement en tête l’image de la chanteuse cornouaillaise Brenda Wooton qui chanta, de son vivant, une chanson intitulée Mordonnow, les vagues de la mer.

            A mon grand étonnement, Neal, mon compagnon, qui me fait face, après s’être accordé avec moi sur la joliesse de leur accent, suggère « Cornwall ». Puis se dédit pour « Wales ». Bref, il semblerait que nous soyons entre cousins des extrémités occidentales. Au fond il brûle de savoir si ses conjectures sont justes. A un moment, il me lance – et je dois lui faire répéter pour m’assurer d’avoir bien compris - : « Tu leur demandes d’où ils viennent ? » Monsieur veut se faire discret.

            Ce n’est qu’après ma deuxième gorgée de lambig que je me décide à entrer dans le jeu, un peu honteux de la supercherie. « Wales », ce sont bien des gallois. La conversation s’engage. Ils connaissent bien le coin. Dès qu’ils apprennent que nous habitons à P., ils me citent des noms de locaux, qu’évidemment, avec mes deux mois de résident au compteur, je ne connais ni d’Eve ni d’Adam. Originaires du sud, ils ne sont pas galloisants. La femme parvient à me sortir néanmoins un ty glas (maison bleue), histoire de célébrer des antiquités communes. Je suis moins disert quant il s’agit de répondre sur le nombre de coureurs bretons participant au tour de France. Je peux affirmer qu’il y en a, grâce au titre d’un article d’une revue, qui par chance m’est passée sous les yeux, mais sans plus. Je suis complimenté pour mon anglais.

            A un moment donné, Neal entre dans la conversation et là je me dis, c’est foutu ! Mais son anglais hésitant et son accent français leur font préférer se tourner vers moi pour poursuivre. Je crois qu’ils n’ont jamais soupçonné que l’anglais était sa langue maternelle ! Un peu comédien le bougre, dirait-on ! 

Comments

[Cornus]

Un peu comédien, juste un peu !!!
Le Kouign ! Qui aurait dit que Fromfrom tenterait l'expérience (une première) en terres bourguignonnes ? Et de si belles façon ! Je crois que l'air éduen est favorable à bien des réussites.
Autrement, je m'inscrit en faux : le kouign n'est pas mauvais pour la ceinture ; ce n'est qu'une vue de l'esprit inspirée par les terroristes de l'hérétique Diététique !

[mordonnow]

m connect> eh bien, c'est un gâteau originaire de Douarnenez dont le nom veut dire "gâteau au beurre" et qui est aussi bon au palais qu'il est mauvais pour la ceinture.

[m connect]

Que sont donc ces "kouign amann" dont tu parles ?