OBSCURITE MILLENAIRE

Mille années qu’on dit d’obscurité où les hommes hissèrent les pierres taillées au plus loin de la surface terrestre, où ils les percèrent à jour, où ils gravèrent à leur visage abrupte des sourires de dentelle.

Mille années qu’on dit d’obscurité où les hommes firent reculer les lisières des forêts et s’étendre la clairière.

Chênes millénaires abattus, déracinés avec des armes piètrement ferrées, des souches grandes comme je ne sais combien d’hommes ravies a la dure poigne de la terre.

Chênes millénaires bonifiés, promus poutres massives, redevenus « forêts » aux combles de leurs cathédrales, métamorphosés en jubés ciselés et colorés, en statues adorées des saints.

C’est au cœur de l’obscurité que jaillit le ronronnement incessant des roues dentées des moulins.

C’est tout au long de l’obscurité qu’on dit avoir duré mille années, que les statues, gisant sur leur socle de pierre noire, fixaient leur regard vers un au-delà inaccessible à l’œil.

La lumière revint sans bruit ni frémissement. Au jour d’aujourd’hui, elle règne encore.

Sur les ruines du millénaire, ils bâtirent les murs tout blancs de leurs cités radieuses, avec des anges grassouillets et rieurs à l’ombre des saillies, et des guirlandes de fleurs grasses et de fruits dodus aux corniches.

Et comme s’ils n’étaient point encore rassasiés de lumière, ils ouvrirent de grandes fenêtres et en pâlirent les vitrages.

Quand à l’intérieur, la pression pousse sur les parois de la chaudière, elle trouve toujours quelque échappement pour se soulager. Mais le technicien de la lumière ne saurait faillir dans son œuvre de perfection. Il n’y a nul passage, nulle issue, nulle fente dans le couvercle de la chaudière.

Un jour où l’autre, elle explosera.

Deiz pe zeiz e tarzho.

Eventually, it will blow up.

Comments

[Cornus]

Et dire que je n'ai jamais vu de chêne millénaire, ni même demi-millénaire. Il en existe encore dans les Carpates ! Tout cela me donne un peu le vertige. A l'amateur de pierres arrangées et au phyto*sociologue en quête de vrai climax.

[m connect]

@ mordonnow> j'ai des progrés à faire... Qu'à cela ne tienne, j'aime essayer de saisir un peu de ce qui m'échappe et c'est déjà un début.

[mordonnow]

m. connect> mais ne t'inquiètes pas, il faut connaître un peu le bougre pour tout saisir de ce texte!

[mordonnow]

m. connect > oui, si tu lis lumière pour obscurité et obscurité pour lumière, dans le texte, tu verras que c'est exactement ce que je dis... hi!hi!

[m connect]

L'obscurité éxiste toujours. Elle a simplement changé de lieu et de visage.