ETAPE 3 : PELERINAGE SUR LES TRACES D'UN VIEUX TRAUMATISME
Le plus beau cadeau de Noël de mon enfance fut, sans conteste ni concurrence, un livre intitulé « Cathédrales et trésors gothiques de France » par Marcel Aubert. Pour la première fois de mon existence je disposais, en plus d’un texte sérieux dont j’apprendrai plus tard à nuancer la vision, de clichés de toutes les cathédrales de France, dont les trois quarts, à l’époque, m’étaient inconnues et mystérieuses. Les photos étaient des héliogravures, avec ce grain si particulier qu’il vous fait presque voir la texture de la pierre. Malgré l’abondante iconographie que j’ai pu consulter par la suite, quand je dois visiter une cathédrale pour la première fois, l’image préalable qui m’en vient est celle figurant dans ce livre.
Je découvrais alors, au fil des pages, la diversité du gothique dans un hexagone qui, à l’époque des cathédrales, était bien loin d’être un état, et cela bien que l’art ogival ne connût jamais un tel éclatement stylistique que le roman. Je n’avais vu alors que le gothique classique, celui du pays qui l’inventa, l’Ile de France. Connaissant aujourd’hui assez bien les différents modes du gothique dans toute l’Europe, plus rien ne m’étonne, mais à cette époque, lorsque la cathédrale d’Albi se présenta à moi en photographie, je ressentis un véritable choc. Je ne comprenais pas que le gothique puisse avoir revêtu une telle forme.
J’ai donc décidé, des décennies plus tard, de faire face à la bête qui avait traumatisé mon enfance.
Je dois avouer avoir trouvé à cet extérieur aux formes épurées, tout en briques, un certain charme.
Et voici un cul aux antipodes des postérieurs nordiques, tout hérissés de béquilles de pierre, qui m’évoquait autrefois une centrale nucléaire et à qui, ce jour là, une fois de plus, je ne déniais plus quelque séduction.
Mais on devine bien, à voir une telle structure, que l’intérieur est une sorte de monospace ogival, aux fenêtres étroite, à la largeur écrasante. Et puis le flamboyant est passé par là, habillant l’ensemble d’une clôture du chœur aussi exubérante que l’édifice est sobre, - ce contraste est annoncé à l’extérieur par l’adjonction d’un porche de la même veine qui tranche sur le mur dépouillé de la nef - puis les siècles suivant peinturlurent et au final, malgré un jugement dernier époustouflant au revers de la façade et ses nombreuses rôtissoires, ainsi que la canicule extérieure, le vaisseau me laisse froid.